Extraits
- Bonjour et bienvenue dans le podcast de Rire & Chansons "Profession humoriste". Je suis Guillaume Pot et dans cet épisode, je reçois aujourd'hui encore une star du rire. Il a été auteur pour Thierry Le Luron, il a côtoyé Coluche et connu différents présidents. On peut donc dire qu'il a tout vu, tout entendu, tout vécu, depuis les débuts de sa carrière. Aujourd'hui encore, il dézingue les politiques à tout va, et n'épargne absolument personne. Bernard Mabille est mon invité.
"Bonjour Bernard,
- bonjour,
- merci d'avoir accepté notre invitation."
- Oui, je me suis déplacé difficilement, puisque, d'après le portrait, j'ai 150 ans...." (rire)
- Je n'ai pas dit ça. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.
- C'est pas grave ...
- Bon, je suis ravi de vous recevoir. En tous les cas, on va parler de vous cette semaine, de votre nouveau spectacle qui s'appelle "Miraculé". Et puis évidemment de politique. Est-ce que, tout d'abord, cette élection présidentielle vous inspire ?
LA DERNIERE ELECTION PRESIDENTIELLE
- Oui, quand même. Ce n'est pas la meilleure que j'ai vécue, mais ça m'inspire. Ce qui était marrant, c'est qu'il n'y a pas eu de campagne. Donc, c'est un peu curieux quand même. Entre la guerre d'Ukraine, le Covid qui repart et tout ... arriver à glisser une élection. C'est marrant.
- Emmanuel Macron est un bon client pour les humoristes ?
- Ça a été un bon client, ... oui, oui ... le couple déjà et même très, très très très curieux, très très curieux... je dis que c'est une élection freudienne. Parce que, d'un côté, il y avait la candidate qui avait tué son père, et, de l'autre côté, il y a le candidat qui couchait avec sa mère.
- Effectivement, je vois que vous êtes très inspiré.
- Donc , et tout en finesse,.
- Est ce qu'il y a un candidat ou une candidate, qui donne davantage de matière à rire aujourd'hui ?
- C'est à dire que, moi, je ne parle pas de des gens qui font 0.5 %.... on ne tire pas sur des ambulances. J'aime bien Poutou, moi, par exemple. J'aime bien Poutou. Je me suis tâté, je me suis dit : Est ce que je vote pour Poutou ? J'aime bien Poutou, qui est quand même ... d'abord le mec est sincère. Il n'a pas fait fortune en politique.... Et puis c'est marrant, je trouve avoir un programme révolutionnaire, on va tuer le capitalisme et tout.
Et s'appeler "Poutou", je trouve ça quand même très très rigolo. "Poutou", c'est le diminutif de Poutinou, notre petit Poutinou à nous. Mais sinon, il y a deux. J'aime bien Lassalle.. Lassalle , voilà, des gens un peu un peu atypiques, mais sinon, pour pour faire rire pour faire rire le public, je pense que c'est la vieille recette. Il faut taper sur les gens qui sont forts et qui existent, sinon : ah le salaud, et il tire sur les ambulances.
LES POLITIQUES SONT-ILS DES "BONS CLIENTS" ?
- Je me posais cette question : lorsque vous recevez des politiques, que ce soit, dans des émissions de radio, ou même à la télévision, comment ils réagissent en coulisses ? Ils sont bons clients ou ça grince des dents ?
- En général, ils font semblant d'être bons clients. Moi, je pars d'un principe, parce que je les connais tous depuis ... c'est toujours les mêmes. Finalement, j'évite de les fréquenter, parce que je ne veux pas. Je veux rester libre, libre de mes propos et de mon jugement. Mais non, ils font. Ils font semblant d'être drôles.
En général, quand je ne sais pas, si vous en serez ici, à Rire & Chansons, mais quand on les reçoit, il y a deux directeurs de cabinet qui leur ont préparé une petite blague que tout le monde connaît depuis 50 ans. (rire) d'un côté, on rigole aussi, nous on sait rire, nous, et on aime la rigolade. Donc voilà, ils sont cabots, ils sont plus cabots que nous !
- ils restent bons clients malgré tout ?
- Ils sont là bas, attendez. Je me souviens à l'époque, quand j'écrivais pour Le Luron, dont c'était l'époque, où a commencé vraiment à taper sur les politiques mais c'était déjà des stars. Et alors ? Contrairement aux vedettes du rire ou de la chanson, ou du cinéma, ce sont des stars qui durent très, très très très longtemps. Très longtemps. Quand j'ai vu Philippe de Villiers à côté de Zemmour, je dis : c'est une carrière qui n'en finit pas !
LA RENCONTRE AVEC THIERRY LE LURON
- Alors Bernard, vous êtes devenu auteur pour Thierry Le Luron, en écrivant un papier cinglant, je crois, sur son spectacle.
Comment vous en êtes arrivé par la suite à travailler ensemble ?
- ça a été très simple : il faut dire que je travaillais au Quotidien de Paris, qui était le journal qu'avait créé Philippe Tesson. Nombre de journalistes aujourd'hui sortent, qui sont maintenant rédacteurs en chef ou tous sortent du Quotidien de Paris. C'est fou le nombre de gens que je croise, et qui m'ont dit : "On en était au Quotidien de Paris en même temps que toi ou en même temps que vous..."
Et puis on gagnait très peu notre vie, très, très peu notre vie, parce qu'il n'y avait pas de budget. Et alors ? C'est vrai qu'il y a un moment, on se dit : il faut absolument que je sorte de là. C'est l'expérience est intéressante, mais il faut que je sorte de là. Et je suis allé au Don Camillo, où Thierry Le Luron était revenu après avoir quitté Paul Lederman, qui était son imprésario.. il avait eu un passage à vide et il était revenu au Don Camillo ... pour bouffer quoi ?
Il était là devant 80 personnes ... et il se trouve que j'ai pas du tout aimer ce qu'il faisait. Mais alors du tout, du tout, du tout. Donc j'écris un article un peu, un peu, violent ... mais, je pense, assez drôle quand même . Là-dessus, j'entends Thierry en interview à la radio, qui commence à me débiner , en disant que j'étais un ancien vendeur d'aspirateurs, ce qui était vrai, d'ailleurs,
- Ah oui ?
Oui, j'avais aucun talent, patata patata, patata.... Et parce que j'avais touché à Sa Majesté , voyez, Thierry, il était quand même adoré par les médias . Et un an après, moi, j'habitais une petite chambre de bonne... Je vais pas vous faire pleurer... mais, au sixième étage, le téléphone sonne, il me dit :"Voilà, c'est Le Luron. Voilà."... J'étais surpris et ... "Puisque vous êtes si malin, écrivez moi mes textes ! " Voilà ! Et c'est comme ça que ça a commencé.
Et là, comme je ramais comme un malade, je me suis dit : "je ne risque rien d'essayer."
- En taillant un costard à Le Luron que vous êtes devenu son auteur.... C'est plutôt pas mal.
- Ouais, ouais, et très très longtemps après, il m'a dit .... parce que j'ai vécu sept ans avec lui, comme même .... les sept dernières années. Très longtemps après, il m'avait dit : "Tu sais, le soir du Don Camillo. En réalité, je ne t'en ai pas voulu parce que j'étais vraiment très mauvais !"... parce qu'il habitait à côté, et il quittait le repas avec des amis, en disant : "Je vais faire un ménage, je reviens dans dix minutes." ...C'était un peu bâclé.
- Qu'est ce qu'on apprenait ? Qu'est ce que vous avez appris à ses côtés ?
- Tout. Tout, tout, tout, tout. J'ai eu la chance de, comme je vous dis, de vivre professionnellement sept ans avec lui et de l'accompagner. Pendant sept ans, on a eu tous les jours, enfin oui, des émissions quotidiennes à la radio, des émissions de télé. Donc j'étais tout le temps, tout le temps, avec lui. Et, si vous voulez, à l'époque, je ne pensais pas qu'un jour, je ferai de la scène ... Mais, il y avait tout à apprendre. C'était un petit génie, c'était un petit Mozart. Je pense,..; je n'ai pas connu Mozart, même si je suis très vieux ....(rire)
"UN HOMME DE L'OMBRE"
- Vous aviez dit dans une interview , j'ai noté : "Si Thierry n'était pas partie si vite, je serais resté un homme de l'ombre."
- Ouais, je serai rester auteur. C'est confortable d'être auteur, surtout auteur, quand vous écrivez pour des gens qui marchent. Après, j'ai écrit pour Anne Roumanoff. Tout ça, c'est confortable. Vous restez chez vous, vous avez votre petite vie peinarde.
- Et qu'est ce qui a fait que vous avez eu envie de monter sur scène alors ?
POURQUOI MONTER SUR SCENE ?
- La disparition de Thierry ... J'étais tellement mal, tellement mal. C'était si j'avais perdu un petit frère... on avait trois ou quatre ans d'écart. Puis en plus, ça s'est passé de façon quand même terriblement tragique. Donc, j'étais tellement mal que Jean Vergne qui était le patron du Don Camillo m'a dit :" Il y a qu'unun truc pour oublier tout ça ou essayer d'oublier tout ça : monte sur scène. Tu vas avoir tellement la trouille que tu_ ne penseras qu'à ça"
Je me suis dit : "pourquoi pas ?" Mais je suis arrivé comme un kéké sur scène parce que, ayant écrit des trucs qui marchaient bien, j'ai cru que c'était facile... (rire)
- Vous êtes justement de retour sur scène avec un nouveau spectacle, qui s'appelle "Miraculé". Alors, j'ai l'affiche sous les yeux. Je lis "de Mitterrand à Macron. Il a survécu à tout."
- C'est vrai.
C'ÉTAIT MIEUX AVANT ?
- Vous nous dites avoir tout vu, tout entendu, tout vécu. Il y a une part de nostalgie. C'était mieux avant, comme on dit ?
- Non, pas du tout. Non, non, non, non, non, non, non. Mais c'est vrai, vous, si je vais avoir , disons que ça, c'est l'émission anniversaire , parce que je vais avoir 75 ans dans un mois. Donc, voilà ... je me retourne et je vous dis oui, qu'est ce que j'ai vécu ? Comme tout ce que j'ai vécu comme trucs. Moi, j'ai tout de suite baigné dans la politique, parce que mon père était de droite ... Allez, le pauvre je dirais, un peu extrême quand même... Et ma grand mère était communiste pure et dure. Donc je les ai toujours entendus s'engueuler sur la politique. J'ai vu... j'ai vécu là-dedans tout de suite. Donc je me suis toujours intéressé au président de la République, au député, au machin. Ça me passionnait. Donc c'est vrai qu'aujourd'hui je suis presque un livre d'histoire, quoi (rire)
Vous savez, j'ai six enfants, et tout, et je m'aperçois que des fois, je passe pour un vieux con. Parce que quand je leur parle de Richard Anthony, par exemple, ils savent pas qui c'est... si vous vous connaissez pas machin. Ah bah non, je l'ai pas entendu parler.
- Et est ce que vous avez plus de retenue, plus de liberté, aujourd'hui, dans votre écriture ,comparée à celle dans le passé ?
- Oh, plus de... plus de liberté, oui, c'est sur...
- "VOUS VOUS INTERDISEZ DES CHOSES, PARFOIS ?"
- non. Non, à part les handicapés, les gens malades... voyez, des trucs comme ça... Mais sinon non . Non, puis je pense que quand les mecs se présentent aux élections pour être élus... après ils devraient être sans faille quoi. Ce qui leur tombe dessus, c'est bien fait pour leurs tronches... Pour moi, un homme politique doit être parfait, parfait.... Donc à partir de là, on peut, on peut tout dire d'eux et leur taper dessus comme on veut.